Frédéric Bazille (1841-1870). La jeunesse de l'impressionnisme.
ARCHIVE
2016
Claude MonetPortrait de Bazille© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole - photographie Frédéric Jaulmes
Les années 1860 furent sans doute parmi les plus décisives de l'histoire de l'art. Là, une poignée de tempéraments indépendants, Manet, Monet, Renoir, Sisley, Degas, Cézanne, etc., ambitionnent de rénover la peinture et s'engagent dans des chemins jamais empruntés auparavant.
Parmi eux, le Montpelliérain Frédéric Bazille.
Si sa personnalité nous est bien connue grâce à l'abondante correspondance qu'il nous a laissée, son rôle dans la naissance de la "Nouvelle Peinture" (Duranty) a souvent été réduit à celle du dilettante compagnon de route et occasionnel soutien matériel des futurs impressionnistes.
"Bazille était le mieux doué, le plus aimable dans tous les sens du mot", dira pourtant son ami Edmond Maître au lendemain de sa mort au combat en 1870.
Contrarié dans sa formation d'artiste par des études de médecine, Bazille réalise, en à peine sept ans de carrière, un nombre important de chefs-d'oeuvre qui n'ont rien à envier à ceux de ses amis plus précoces.
Mû par des désirs parfois contradictoires – satisfaire les attentes d'une famille bourgeoise, prendre part à la révolution artistique en cours –, Bazille est le fruit original d'un milieu protestant languedocien et d'un tempérament passionné.
Pierre-Auguste RenoirFrédéric Bazille© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Son oeuvre est bien "de jeunesse" – ambitieuse, inventive, idéaliste, révoltée –, chaque nouvelle toile est un défi, un échec ou une victoire. "J'espère bien, disait-il, si je fais jamais quelque chose, avoir au moins le mérite de ne copier personne".
La peinture de Bazille porte avec elle la puissante lumière des paysages de son Midi natal, mais aussi l'ombre de ses doutes et l'inertie de sa mélancolie.
Partagée entre l'effervescente vie artistique parisienne l'hiver et le farniente des étés languedociens, la courte vie de Frédéric Bazille se devait d'être enfin honorée par une rétrospective internationale.
Cette exposition – la première organisée par un musée national français – est le résultat d'une collaboration entre le musée d'Orsay, le musée Fabre de Montpellier et la National Gallery of Art de Washington.
Frédéric Bazille Réunion de famille© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
De Montpellier à Paris
Frédéric Bazille naît en 1841 à Montpellier, au sein d'une famille de la grande bourgeoisie protestante. Son père, maire adjoint de Montpellier et plus tard sénateur républicain de l'Hérault, est aussi président de la Société d'agriculture et une figure importante de la viticulture languedocienne.
Fils aîné, Frédéric est destiné à la médecine. Il s'initie néanmoins au dessin dans l'atelier des sculpteurs Baussan père et fils.
A Montpellier, le jeune homme a la chance d'être mis au contact de grandes collections de peintures. Celle du musée Fabre, considérée comme l'une des plus belles de France, et celle de l'amateur Alfred Bruyas, exceptionnel ensemble de peintures modernes réunies depuis le début des années 1850.
En voisin – l'hôtel Bruyas est tout proche de celui de la famille Bazille –, Frédéric visite ce musée privé et y contemple les derniers chefs-d'oeuvre de Delacroix et Courbet.
En 1862, à vingt ans, Bazille quitte Montpellier pour poursuivre ses études de médecine à Paris. À peine arrivé, il s'inscrit dans l'atelier du peintre suisse Charles Gleyre, où il fait la rencontre de Claude Monet, Auguste Renoir et Alfred Sisley.
En 1864, Bazille obtient de ses parents d'abandonner la médecine pour devenir artiste. Il quitte également l'atelier de Gleyre pour peindre désormais librement dans son propre atelier ou aux côtés de Monet.
Frédéric BazilleForêt de Fontainebleau© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Sur le motif
Au printemps 1863, animé par le désir de peindre sur le motif, Monet emmène Bazille et d'autres camarades de l'atelier Gleyre en forêt de Fontainebleau.
A la manière des peintres de l'Ecole de Barbizon qui s'étaient plu, avant eux, à se réfugier dans la forêt pour y peindre les beautés de la nature, ils transportent leur chevalet en extérieur pour y réaliser des études. Leur regard pourtant s'éloigne des visions panthéistes de leurs prédécesseurs Rousseau, Diaz ou Corot.
Comme les photographes, ils cadrent abruptement le paysage et s'appliquent simplement à en dépeindre les couleurs, les contrastes. Aux côtés de Monet, plus précoce, Bazille forme son oeil et sa main.
Les deux jeunes gens voyagent ensemble à plusieurs reprises, comme au printemps 1864 lorsqu'ils séjournent en Normandie, dans la famille de Monet au Havre ou à Honfleur, à la Ferme Saint-Siméon, lieu fréquenté également par Boudin ou Jongkind.
En août 1865, Bazille rejoint Monet à Chailly afin de poser pour son immense Déjeuner sur l'herbe (Paris, musée d'Orsay). Il en profite pour peindre quelques paysages et représente aussi son ami, alité après un accident, dans L'Ambulance improvisée.
Après ce séjour, Bazille prend symboliquement son indépendance vis-à-vis de Monet et délaisse les paysages du nord de la France pour explorer ceux de son Languedoc natal.
Frédéric BazilleL'Atelier de la rue de Furstenberg© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole - photographie Frédéric Jaulmes
Amitiés d'atelier
Dès son arrivée à Paris, Bazille ne cesse de réclamer à ses parents un atelier pour travailler. Entre 1863 et 1870, l'artiste en aura occupé six.
Trois d'entre eux donnent lieu à des vues d'intérieur qui sont autant d'autoportraits en creux, manifestes de cette nouvelle vie d'artiste que Bazille chérit.
Le jeune peintre, qui bénéficie d'une rente versée par ses parents, se montre généreux avec ses amis avec lesquels il partage plusieurs de ses appartements.
En 1864, Bazille et Monet s'installent ensemble rue de Furstenberg ; en 1867, rue Visconti, c'est avec Renoir – et occasionnellement Monet et Sisley – que Bazille partage son logement.
Dans l'atelier, les artistes et les amis de passage travaillent d'après des modèles féminins professionnels ou, quand l'argent manque, posent les uns pour les autres.
Au début de l'année 1868, Frédéric Bazille s'installe avec Renoir dans un atelier plus spacieux dans le quartier des Batignolles alors en pleine mutation, non loin du Café Guerbois où se réunit toute l'avant-garde réaliste : Fantin-Latour, Degas, Manet, mais aussi les écrivains Zola, Astruc ou Duranty.
En réponse à l'Atelier aux Batignolles de Fantin-Latour (Paris, musée d'Orsay), Bazille peint en 1870 une vue de son atelier rue La Condamine dans laquelle évoluent ses amis. Peint par Manet au centre du tableau, Bazille est désormais une figure incontournable du groupe des "actualistes" comme les surnomme Zola.
Frédéric BazilleNature morte au héron© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole - photographie Frédéric Jaulmes
Trophées de chasse
Dans une lettre à sa mère de 1866 dans laquelle il lui demande de l'argent afin de pouvoir se payer des modèles vivants, Bazille écrit : "Ne me condamnez pas à la nature morte perpétuelle !" La nature morte ne serait-elle qu'un genre pour artiste sans le sou ? Ce choix n'est pourtant pas uniquement motivé par des raisons financières. Les natures mortes permettent aux jeunes artistes de s'exercer facilement à l'art de la composition, au rendu des textures et des volumes. Le genre connaît également une vogue nouvelle sous le Second Empire, liée au développement du mécénat bourgeois.C'est avec une nature morte, les Poissons, que Bazille fait sa première apparition au Salon en 1866. Dans cette oeuvre sombre et appliquée se lit l'influence des maîtres hollandais ou flamands mais aussi celle de Manet. La belle Nature morte au héron témoigne du goût de l'artiste pour la chasse – qu'il pratique avec son père autour de Montpellier – et de l'ascendant exercé par les trophées de chasse peints par Oudry ou Chardin, dont le Second Empire redécouvre le lyrisme discret et l'élégante simplicité.Loin de se limiter à une seule spécialité, Bazille et ses amis ambitionnent de rénover tous les genres, et réinterprètent la tradition pour mieux s'en affranchir.
Frédéric Bazille, Edouard ManetL'atelier de Bazille (détail)© RMN-Grand Palais-Grand Palais-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Bazille et la musique
Après la peinture, la musique est la seconde passion de Bazille.
Tenant ses dispositions de sa mère, il pratique lui-même assidûment le piano, seul moyen d'écouter de la musique hors des concerts et principal divertissement de Bazille à Paris.
Il me tarde bien de voir arriver mon piano, je te prie de m'envoyer toute la musique que tu pourras, mes symphonies à quatre mains, les valses de Chopin, les sonates de Beethoven, la partition de Gluck [...]. Quand j'aurai de l'argent de reste je m'achèterai les romances sans paroles de Mendelssohn" (Bazille à sa mère, décembre 1863).
Avec son ami Edmond Maître, Bazille se passionne ensuite pour Berlioz et les compositeurs allemands Schumann et Wagner, alors peu connus ou appréciés en France. Amateur de spectacles, il fréquente aussi souvent que ses moyens le permettent les théâtres, les concerts du Conservatoire ou l'Opéra. Au Théâtre Lyrique, il admire Les Pêcheurs de perles de Bizet (1863), Les Troyens de Berlioz (1863) ou encore Rienzi de Wagner (1869) : "l'oeuvre de jeunesse d'un homme de génie". Si en peinture Bazille fait le choix d'une modernité réaliste où l'expression des sentiments n'a pas sa place, ses goûts musicaux témoignent au contraire d'un tempérament romantique et passionné.
Frédéric BazilleJeune fille au piano© C2RMF Bruno Mottin
"Une jeune fille joue du piano et un jeune homme l'écoute"
En 1866, pour sa première participation au Salon officiel, Bazille se lance dans la réalisation d'une grande toile (1,50 x 2m) dont le sujet lui est particulièrement cher : "une jeune fille joue du piano et un jeune homme l'écoute".
Ce tableau, refusé par le jury du Salon et jusqu'à aujourd'hui réputé perdu ou détruit, a été retrouvé "sous" une composition plus tardive grâce à la technique de la radiographie.
Le dispositif numérique tactile présent dans l'exposition permet de partir à la découverte de ce "chaînon manquant" de l'oeuvre de Bazille.
Avec l'aide du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), des laboratoires de la National Gallery of Art à Washington et d'autres musées américains, plusieurs oeuvres ont ainsi pu être radiographiées et une dizaine d'autres compositions perdues ont été redécouvertes.
Bazille, non satisfait de son travail ou en proie à des difficultés financières, réemployait en effet régulièrement des toiles déjà utilisées pour peindre de nouveaux tableaux.
Frédéric BazilleLes Remparts d'Aigues-Mortes© Courtesy National Gallery of Art, Washington, NGA Images
Aigues-Mortes
Au début de l'été 1866, Bazille manifeste le désir de se rendre à Aigues-Mortes, cité médiévale d'où Saint Louis partit pour la croisade et haut lieu du souvenir protestant.
Gaston Bazille met en garde son fils sur les fièvres et l'insalubrité des lieux durant la "grosse chaleur d'août" et ajoute : "Je n'ai jamais vu de peinture représentant Aigues-Mortes".
A la fin du mois de mai 1867, l'artiste s'y rend enfin : "Aujourd'hui il fait très beau temps et je vais partir tout à l'heure. J'ai commencé trois ou quatre paysages des environs d'Aigues-Mortes. Sur ma grande toile, je vais faire les murs de la ville se reflétant dans l'étang au coucher du soleil. Ce tableau sera fort simple et ne devrait pas être long à faire".
De cette campagne de peinture, Bazille ramène de nombreux croquis et trois tableaux. L'artiste a assimilé la leçon technique de Monet, et peint désormais avec assurance, en plein air, au milieu de la lagune camarguaise.
L'austère majesté du site, la rigueur géométrique des remparts, l'atmosphère à la fois lumineuse et mélancolique trouvent un formidable écho chez Bazille. Seul, loin des sites déjà trop fréquentés d'Île-de-France ou de Normandie, c'est au coeur de son pays que Bazille trouve l'expression de son tempérament.
Frédéric BazilleVue de village© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole - photographie Frédéric Jaulmes
"Peindre des figure au soleil"
Ayant sans doute à l'esprit La Rencontre de Courbet (Montpellier, musée Fabre), de la collection Bruyas, Bazille pense très tôt à "peindre des figures au soleil", comme il l'écrit en décembre 1863.
Entre le portrait et la scène de genre, ce nouveau sujet résolument moderne occupe également les esprits de Monet, Renoir ou Berthe Morisot, qui se mettent au défi d'intégrer des figures modernes dans des paysages peints sur le motif.
C'est ce que fait Bazille dès 1864 avec La Robe rose, qui représente aussi pour la première fois le domaine familial de Méric.
Chaque été, c'est là qu'il peint ses oeuvres les plus ambitieuses destinées au prochain Salon, comme La Réunion de famille ou encore la Vue de village, qui, selon Berthe Morisot, accomplissent le voeu de toute cette génération, "mettre une figure en plein air". En effet, au cours de la décennie, l'exercice technique est devenu le projet emblématique de la nouvelle école.
Alors que Monet échoue à présenter ses tableaux au Salon, ceux de Bazille y sont régulièrement admis : "Des pays du Midi, chaque printemps, revient M. Bazille avec des tableaux d'été […] qui sont pleins de verdure, de soleil et de carrure simple", écrit Duranty en 1870.
Astruc reconnaît également à Bazille un rôle fondamental dans cette conquête de "la plénitude étonnante de la lumière, l'impression particulière du plein air, la puissance du jour".
Frédéric BazilleLa toilette© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole - photographie Frédéric Jaulmes
Le nu moderne
Le nu académique domine largement les cimaises du Salon pendant les années 1860 ; s'y côtoient le corps de Vénus moins pudique qu'il n'y paraît ou de virils héros aux muscles gonflés. Compatriote montpelliérain de Bazille, Alexandre Cabanel triomphe précisément avec ses nus conformes aux fantasmes de la bourgeoisie.
Mais à la suite de Courbet, qui ouvre la voie à la représentation du nu réaliste avec ses Baigneuses (Montpellier, musée Fabre) et ses Lutteurs (Budapest, musée des Beaux-Arts), quelques artistes dépeignent le corps dans sa vérité, quitte à déplaire et à être refusés au Salon.
Bazille s'affirme comme peintre du corps masculin, sujet largement délaissé par ses confrères. Dans le fil de ses recherches sur la figure en plein air, l'artiste peint Le Pêcheur à l'épervier en pendant à Vue de village pour le Salon de 1869, puis, l'été suivant, Scène d'été.
Après les scènes familiales de Méric, Bazille s'éloigne progressivement de la maison pour s'enfoncer dans la nature des bords du Lez, où il dispose, en plein air, ces corps athlétiques et lumineux.
Audacieuses, ces peintures comptent parmi les plus originales de l'oeuvre de Bazille – certains y ont lu l'expression d'un désir homosexuel sublimé – et préfigurent l'intérêt de Cézanne pour le même thème. Par contraste, le nu féminin de La Toilette apparaît plutôt comme un hommage à l'orientalisme à Delacroix et à l'érotisme de Manet.
Fleurs
La peinture de fleurs connaît un grand renouveau sous le Second Empire. Courbet, Manet, Fantin-Latour, Monet, Renoir s'adonnent avec plaisir à ce genre commercial et bourgeois.
Le sujet ne laisse pas indifférent Bazille, qui a pu étudier de nombreuses essences au jardin des plantes de Montpellier qui jouxte la faculté de médecine et surtout dans la serre de la propriété de Méric.
Dans ces tableaux peints pour le Salon ou pour son entourage, Bazille et ses amis puisent dans les modèles anciens mais se moquent de la symbolique des fleurs et des leçons de morale traditionnellement associées au genre.
Subsiste le plaisir de l'étude d'après nature et des audacieuses associations de couleurs permises par ces joyeux bouquets.
Avec les deux versions de la Jeune femme aux pivoines, dont les fleurs et la domestique noire évoquent certains tableaux de Manet, Bazille réunit la nature morte et la peinture de figure.
Peintes pendant le printemps 1870, avant le dernier retour de l'artiste à Montpellier, ces toiles étonnent par leurs différences mais aussi par la grande maîtrise des moyens à laquelle est désormais parvenu Bazille.
S'y retrouve la prédilection de Bazille pour les calmes figures absorbées dans leur activité ou au contraire n'ayant pas peur de nous fixer droit dans les yeux.
Frédéric BazilleRuth et Booz© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole - photographie Frédéric Jaulmes
Bazille, "Peintre d'Histoire" ?
En mai 1870, Bazille quitte Paris et son nouvel atelier de la rue des Beaux-Arts pour Montpellier, où il passe son dernier été. Déçu par la réception contrastée de son chef-d'oeuvre, la Scène d'été, au dernier Salon, l'artiste s'isole à Méric. Il y peint deux nouveaux tableaux, Paysage au bord du Lez et Ruth et Booz. De même format, ils sont peut-être conçus en pendants. Bazille atteint la majesté classique des paysages de Poussin et de Corot avec le Paysage au bord du Lez – désigné comme une "églogue" dans sa correspondance –, expression de la solitude de l'artiste et de "la chaleur [qui] fait tout évaporer et règne tranquille et seule".
Avec Ruth et Booz, Bazille s'éloigne de façon inédite de l'exigence lumineuse et réaliste en tirant son sujet de la Bible et du lyrisme mystique d'un poème de Victor Hugo.
L'introduction de la nuit et de l'histoire dans son art s'accompagne d'une évolution vers une manière plus synthétique qui témoigne peut-être de l'ascendant exercé par Puvis de Chavannes.
Ce dernier tableau est laissé inachevé lorsqu'en août 1870 Bazille – vraisemblablement insatisfait – pose ses pinceaux et décide de s'engager dans le conflit franco-prussien. Sur son acte d'engagement volontaire du 16 août 1870, le jeune homme déclare : "Le Sieur Bazille Jean Frédéric âgé de 28 ans révolus, exerçant la profession de peintre d'histoire […]".
Frédéric BazilleEtude pour la "Scène d'été"© RF 29731
Bazille dessinateur
Initié au dessin dans l'atelier de Baussan à Montpellier puis de Charles Gleyre à Paris, Bazille pratique surtout le crayon noir et la mine de plomb. Bazille dessine peu, mais croque dans ses carnets les paysages de Méric, d'Aigues-Mortes, le visage de ses proches ou des éléments de son quotidien.
L'artiste encadre souvent ses croquis d'une bordure rectangulairequi matérialise la limite future du tableau. Bazille pense avant tout en peintre.
L'artiste prépare ses grandes peintures de Salon par quelques croquis dans lesquels il réfléchit aux grandes lignes de la composition et à la disposition des figures dans l'espace (Réunion de famille, Scène d'été). Certains détails (visages, mains) sont préparés par des études spécifiques.
La composition dessinée est ensuite mise au carreau pour être reportée, agrandie, sur la toile (La Robe rose). La courte carrière de Bazille ne lui aura pas permis de laisser une abondant oeuvre dessiné. Hormis deux albums donnés par son frère au Louvre en 1921, on ne lui connaît qu'une dizaine de feuilles.
AnonymeAndré Joubin et Marc Bazille devant la nouvelle présentation des tableaux de Frédéric Bazille au musée Fabre.© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole - photographie Frédéric Jaulmes
"La gloire de Frédéric Bazille commence à peine"
Le 16 août 1870, contre toute attente, Bazille s'engage dans un régiment de zouaves. Réel élan patriotique ou geste suicidaire ? Volonté de prouver à ses proches – et à lui-même – sa valeur, ou "divertissement" ?
Bazille semble se saisir de l'opportunité de cette aventure militaire pour résoudre une crise personnelle, dont ses derniers tableaux portent la trace.
Après quelques semaines passées en Algérie, le jeune homme rentre en France où il est envoyé au combat avec son régiment, à Besançon puis près d'Orléans, à Beaune-la-Rolande. Il y trouve la mort lors de son premier assaut le 28 novembre.
Au même moment, Renoir est appelé dans un régiment de chasseurs, Monet s'enfuit avec sa famille à Londres, Cézanne se cache à l'Estaque. Plus tard, Degas et Manet s'engagent à Paris dans la garde nationale.
En 1874, a lieu la première exposition du groupe impressionniste à Paris ; aucune oeuvre de Bazille n'y est présentée. Le drame de 1870 a emporté la vie de Frédéric Bazille et tourné la page d'un moment à nul autre pareil dans l'histoire de l'art, la jeunesse de l'impressionnisme.